Rappelez-vous, en 2011 et 2012, j'inaugurais un rendez-vous sur mon blog, "Sur le grill - Les interviews d'Earane".
Comme je vous l'ai annoncé il y a peu, ce rendez-vous revient en 2014. Attention, c'est parti !
En avril 2011, j'ai eu le plaisir d'interviewer Samantha Bailly. Jeune femme formidable à la plume plus qu'agréable, Samantha est dynamique, généreuse et une personne ouverte d'une extrême gentillesse. Passer du temps avec les autres ne l'effraie pas, au contraire.
C'est donc avec une immense joie que je la reçois à nouveau en ces lieux.
Bonjour Samantha !
Ravie de t’accueillir à nouveau en ces lieux. C’est un
vrai plaisir.
Plaisir partagé !
Lors de notre première interview, tu venais de publier
ton dyptique Au-delà de l’oraison ainsi que Lignes de
vie. Depuis, cette série a été rééditée chez Bragelonne en un tome
unique, intitulé sobrement Oraisons.
Comment cela s’est-il passé ?
Disons que c’était un bon concours
de circonstances. En mai 2012, j’étais une auteure assez démunie. Mille Saisons
s’arrêtait, ce qui signifiait la fin de la publication d’Oraisons (anciennement
Au-delà de l’oraison) et l’avortement du projet de publier mon autre roman de
Fantasy basé dans le même monde, Métamorphoses. Je venais de terminer un roman
contemporain, Ce qui nous lie, une fiction féminine, et je ne savais pas
vraiment à qui l’envoyer. Pour résumer, j’étais perdue, je continuais à écrire
bien sûr, mais j’ignorais dans quelle direction aller côté édition.
Lors des Imaginales 2012, le plus
fou était de voir que je continuais à dédicacer beaucoup d’exemplaires des deux
tomes restant d’Au-delà de l’oraison, et je recevais des témoignages de lecture
enthousiastes et poignants. J’avais démarché quelques acteurs de l’imaginaire,
qui m’avaient répondu qu’en avoir déjà vendu 2000 exemplaires en micro-édition,
c’était que le roman avait déjà achevé sa vie. Assez déprimée par cette vision des
choses, j’en ai discuté avec ma voisine de dédicaces, Magali Ségura. Celle-ci m’a
conseillé de parler à Stéphane Marsan.
J’ai mis plusieurs heures avant de
prendre mon courage à deux mains et d’aller vers lui lors du cocktail organisé
en l’honneur des nouvelles auteurs Bragelonne. Il connaissait déjà ce que je
faisais, et m’a dit de lui envoyer et mes romans de Fantasy, et Ce qui nous lie.
Le 13 août 2012, j’ai reçu un email de sa part, l’un de ceux que l’on garde
bien précieusement, où Stéphane Marsan me disait qu’il avait lu Ce qui nous lie,
tout le bien qu’il en pensait, et que la question n’était pas de savoir si ce
roman devait être publié, mais comment… Il a ensuite lu les deux tomes d’Au-delà
de l’oraison dans la foulée, et m’a proposé de les republier chez Bragelonne
sous forme d’intégrale.
Comment as-tu vécu le fait de publier à nouveau cette
série et de la retravailler dans une dynamique un peu différente puisque cette
fois il s’agit d’un tome unique ?
Chaque fois que je prends du recul
sur un roman, j’ ai envie de le réécrire
complètement, de choisir un autre angle d’attaque, une autre façon d’exploiter
les concepts mis en avant. J’ai appris à apprivoiser cela au contact des
lecteurs d’Oraisons en salon. Les années passent, et l’enthousiasme reste
inchangé. Je crois vraiment qu’un roman, même s’il ne nous ressemble plus au fil
de temps, est le reflet de nos problématiques passées. Le fait que l’on ne s’y
retrouve plus aujourd’hui ne signifie pas que d’autres ne s’y retrouveront pas,
bien au contraire. C’est une photographie d’un instant T. Un instant révolu
pour nous, mais en phase avec d’autres.
Pour la réédition d’Oraisons, j’ai
eu le choix de le retravailler ou non, mais j’ai demandé à pouvoir le réviser
avec l’aide d’Hélène Jambut, éditrice chez Bragelonne. Cette dernière avait
déjà lu et apprécié la précédente édition du diptyque, qu’elle connaissait
depuis un moment étant donné qu’elle avait été lectrice du comité de Mille
Saisons. C’était donc la configuration parfaite. Me replonger dans l’histoire
était un sentiment assez particulier, étant donné qu’Oraisons me paraissait
très loin derrière moi. J’ai dû apprendre à rester raisonnable : revoir
n’est pas réécrire. L’idée était de le réviser sur certains points vus avec
Hélène, qui restaient de l’ordre du style et des transitions. Le scénario est
resté le même.
A l’époque de notre première rencontre, tu travaillais
sur une préquelle de ce cycle, intitulée Métamorphoses. La sortie est
prévue pour fin 2014. Qui aurons-nous le plaisir de retrouver à cette
occasion ? Pourquoi te replonger dans cet univers ?
Ah, Métamorphoses ! Je suis
actuellement en pleine rédaction de ce roman, qui marquera la fin des aventures
dans le monde d’Oraisons. L’histoire de Métamorphoses se déroule 35
ans avant les faits de l’intégrale. Il s'agit néanmoins d'un cycle totalement
indépendant et compréhensible sans avoir lu l'autre roman.
L'intrigue de Métamorphoses me
trotte dans la tête depuis 2008. J'ai écrit la première partie, Le Théâtre
Solaire, entre 2010 et 2011. À l'époque, j'envisageais cette histoire sous
forme de trilogie, qui aurait dû sortir chez Mille Saisons, mais je suis passée
chez Bragelonne entre temps. Du coup, nous avons décidé d'en faire un seul et
unique roman, qui sera un sacré pavé – voilà pourquoi je suis encore en train
d’écrire ! Pour le moment, la sortie est fixée à octobre 2014.
Sonax, le trafiquant d'Objets Tabous
que vous connaissez dans Oraisons, est une rencontre mentale assez
étrange. Le genre de personnage que vous placez à un endroit, que vous
travaillez, mais qui prend le dessus. Qui vit malgré les rouages bien huilés du
scénario. J'ai semé dans Oraisons tout un tas d'indices sur la vie du
trafiquant que j'avais déjà mûrement réfléchie. Son goût pour les parfums, son
nom de famille, sa tache de naissance, son rapport au Jeu des quatre vents,
etc. Métamorphoses relate toute la vie du trafiquant dans une ambiance colorée,
pleine d'émotions et de noirceur. C’est un roman-personnage relié à des arches
narratives en rapport avec Hélderion, la résuadine, les Jadielles...
Chaque
partie correspond à une période de la vie de l’androgyne, et à des enjeux
politiques pour l'Astracan. Vous serez invité à suivre l'évolution de Sonax depuis
le théâtre, où il passe d'enfant introverti à androgyne excentrique,
jusqu'au trafiquant d'objets illicites et magiques que l'on connait
dans Oraisons.
Évidemment, il y aura des liens
saillants avec Oraisons, et vous retrouverez des personnages clef tels que
Nwinver et le Maître Joscard... Le roman a même pour ambition de vous faire
remettre en perspective certaines des assurances que vous aviez pour Oraisons,
en épousant le point de vue de Sonax et en découvrant d'autres facettes encore
d'Hélderion.
Tu as également écrit Ce qui nous lie,
sorti chez Milady. Registre assez différent de tes autres romans et une
thématique assez atypique, les liens entre les individus. Une thématique
importante à tes yeux ?
Ce qui nous lie est l’histoire que
le personnage principal, Alice, entretient avec son don, celui de pouvoir voir
les liens qui unissent les individus. Voir les attaches, c’est avoir accès à un
flot d'informations sur les autres qui ne correspond pas toujours à ce que l’on
attend. Alice est incisive car elle vit dans une sorte d’overdose de
révélations sur autrui. Et la vérité peut provoquer la désillusion.
Je voulais partir d'un personnage
qui s'est donné une logique de vie : la vérité, toute la vérité. J'avais envie
d'explorer une femme au départ brisée pour voir comment elle s'en sort. C’était
passionnant de voir Alice évoluer, aller vers la sérénité. En fait, c’est la
question de la dépendance affective : se construire soi-même en passant par les
autres et être soi-même sans les autres.
L’année 2014 s’annonce d’ores et déjà chargée niveau
publication. Je sais que va bientôt paraître ta série Souvenirs
perdus chez Syros ou encore Les Stagiaires chez Milady en mars prochain.
Peux-tu nous présenter ces divers récits ?
Ce sont en effet des projets très
différents.
Souvenirs Perdus est une trilogie de
Fantasy jeunesse. Dans ce monde inventé, il existe une île nommée Enfenia.
Depuis des siècles, nul ne peut y entrer, nul ne peut en sortir. Un Léviathan
tourne autour, il est autant le gardien des habitants que leur geôlier. La
légende veut qu’un jour, lorsque les Enfenians seront prêts, la créature se
retirera et les laissera découvrir le monde. Alors que l’île célèbre une fois
de plus le rituel visant à accomplir la prophétie, une femme est retrouvée
inconsciente sur la plage. Une femme au visage inconnu, une étrangère. Cet événement
bouleverse la vie des Enfenians, ébranle leurs plus profondes convictions… Elle
est la preuve qu’il existe bien une autre civilisation à l’Extérieur, la preuve
que l’on peut tromper la vigilance du Léviathan. La suite au mois de
mai ;)
Concernant Les Stagiaires, le titre
est déjà très évocateur ! C’est un roman contemporain qui se déroule dans
une entreprise, Pyxis, qui est spécialisée dans l'édition de mangas et de jeux
vidéo. Rapidement devenue un pilier du secteur, cette société dynamique incarne
le rêve de nombreux jeunes passionnés par l’industrie créative. On vante son
état d'esprit novateur, son cadre de travail agréable, et ses best-sellers sont
une vitrine attrayante. Comme beaucoup d'entreprises, Pyxis a à son actif de
très nombreux stagiaires. Tous les six mois, ces derniers arrivent d'horizons
variés, soumis à un recrutement drastique. Dans une atmosphère conviviale et
jeune, ils découvrent la réalité du monde du travail. Etudiants en gestion,
graphisme, communication, marketing, RH, édition… tous aspirent à la même chose
: obtenir un emploi à l'issue de cette période. Dans un cadre où tout est fait
pour l'amusement, travail et la vie privée s'entremêlent. Et une question
demeure en fond sonore : qui restera ?
Tu t’es également lancée dans un genre totalement
différent avec les contes illustrés comme Kotori, le chant du moineau ou encore
La princesse au bol enchanté aux Editions nobi nobi ! De même pour A pile ou face, ton thriller paru chez Rageot.. C’est important
pour toi cette diversité ?
Toutes ces publications peuvent
sembler décorrelées, pourtant, chacune est un élément de mon projet global
d’écriture, qui est le suivant : écrire ce que j’ai envie d’écrire, peu
importe la forme, peu importe les cases. Je crois que je suis le fruit d’une
génération de l’hybride : j’ai connu la narration sous des formes très
diverses, jeux vidéo, mangas, romans, séries, films…
L’écriture semble être comme une seconde peau pour
toi, comme une partie intégrante de ton Moi. Qu’est-ce qui fait naître toutes
ces idées chez toi ?
L'écriture est une passion qui
m'anime depuis mon plus jeune âge, une boussole qui m’a donné un cap, cap que
j’ai suivi en tentant de composer au mieux avec le réel. C'est pour moi un
vecteur de sens, un centre autour duquel converge ma curiosité intellectuelle,
mon désir de découverte et de transmission.
Désormais, j’ai la chance de pouvoir
vivre de cette passion. Mon but est de pouvoir continuer d’écrire les histoires
qui m’animent et m’habitent, mais aussi de passer un message qui me tient
particulièrement à cœur : la passion irrigue la vie de sens, affute la
curiosité intellectuelle, créé un point de focale autour duquel l’on peut se
construire. La fiction permet de créer du lien avec les informations,
d’assimiler des éléments pour les métamorphoser, d’ouvrir un espace de
dialogue. Je ne sais pas si c’est une seconde peau, mais en tout cas c’est
l’épicentre de ma vie.
As-tu d’autres projets secrets sur lequel tu
travailles en ce moment ? Peux-tu nous en dévoiler quelques mots ?
Pour le moment je ne peux rien dire
de précis, si ce n’est que Les Stagiaires aura un second tome, et que je viens
de signer un autre roman jeunesse chez Rageot, mais pas dans la collection
thriller. Suspense…
Je sais que tu continues à aller à la rencontre de tes
lecteurs, que ce soit dans les écoles pour des interventions ou en salon.
Est-ce une variable importante pour toi dans ta vie d’auteure ?
Oui, pour ma personnalité et ma
vision de l’écriture, c’est fondamental. En tant qu’auteur, nous vivons dans
une temporalité très étrange : lorsqu’un roman sort, il est en réalité
loin derrière nous, déjà terminé depuis un an en général. Ce long laps de temps
s’explique par les plannings chargés des éditeurs, le temps des corrections, de
la réalisation de la couverture, etc. Je signe le BAT d’un roman au moment où
je suis en plein milieu de l’écriture d’un autre. Entretenir le contact avec
les lecteurs, que ce soit sur les réseaux sociaux ou en salons, c’est une façon
de partager les coulisses, d’écouter leurs retours, de se remettre en question,
de recevoir aussi des encouragements. L’écriture est une activité très
solitaire, durant laquelle on ferme la porte… Un peu de lumière ne fait jamais
de mal.
Concernant les interventions dans
les classes, c’est une activité que j’adore : rencontrer les élèves,
discuter avec les enseignants, m’immerger durant une journée dans leur monde,
est toujours très riche. Parfois, c’est aussi un vrai séisme, des prises de
conscience. En général, ça ne rate pas : les élèves qui ont le plus de
difficulté sont souvent les plus investis dans ce genre de rencontre.
Si un jeune auteur se présentait à toi demain lors
d’un salon et te demandait des conseils. Que lui répondrais-tu ?
Je dirais, les trois P : Patience. Persévérance. Passion. Sinon, j’ai mis à
disposition une FAQ sur mon site internet, pour tenter de
répondre aux questions les plus fréquentes.
Merci pour ta gentillesse et ta
disponibilité, Samantha. Au plaisir de te revoir très prochainement pour
d’autres actualités !
Vous pouvez retrouver toute l'actualité de Samantha Bailly sur son site internet.
Ses publications :
Un échange passionnant à lire, bravo !
RépondreSupprimerTrès belle interview qui donne envie de découvrir le travail de l'auteur. Bravo à toi pour ces questions pertinentes et à Samantha d'avoir eu la gentillesse de répondre avec autant de sincérité.
RépondreSupprimerMerci ! Samantha est vraiment une belle personne, qui prend le temps de répondre. Quelqu'un de très agréable sans nul doute !
SupprimerTrès belle interview, merci à toutes les deux ! Mon compte en banque et ma PAL ne vous remercient pas ;).
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