dimanche 30 mars 2014

[Chronique] Kinderzimmer ~ Valentine Goby




Titre : Kinderzimmer
Auteure : Valentine Goby
Editeur : Actes sud
Nombre de pages : 224

Quatrième de couverture :

En 1944, le camp de concentration de Ravensbrück compte plusieurs dizaines de milliers de détenues. Mila a vingt-deux ans quand elle arrive à l’entrée du camp. Autour d’elle, quatre cents visages apeurés. Dans les baraquements, chacune de ces femmes va devoir trouver l’énergie de survivre, au très profond d’elle-même, puiser chaque jour la force d’imaginer demain.
Et Mila est enceinte mais elle ne sait pas si ça compte, ni de quelle façon.

Ce que vous y trouverez :

- de l'émotion
- une histoire centrée sur des personnages féminins
- la vie dans un des camps, Ravensbrück

Ce que vous n'y trouverez pas :

- un affrontement entre Allemands et Alliés à la manière des récits de guerre "classique"
- une histoire qui finit bien


Mon avis :


J'ai lu ce livre en trois fois. Volontairement. Parce que je crois que je n'aurais pas pu appréhender la fin de l'histoire de la même manière si j'avais tout lu d'un bloc. La raison principale est que j'en ressors changée et mitigée à la fois. Force de constater que l'on peut se positionner de deux façons face à ce récit pour moi. La première au regard du style, la seconde au regard de l'histoire.

Loin de moi vouloir critiquer l'auteure. Elle a fait un choix. Qui suis-je pour les remettre en question ? Néanmoins, je n'affectionne pas le style de Valentine Goby. Outre le fait que sa plume peut se révéler agréable, elle m'a parfois gênée. Le style haché, la profusion de pensées des différents protagonistes ont parfois eu raison de mon envie de poursuivre l'histoire. Pourtant, je savais que d'une certaine manière, j'avais déjà accroché à l'histoire de Mila. Cependant, je refusais de poursuivre, peut-être par crainte du récit à proprement parler, noyée par le style dérangeant pour moi (bien entendu, et je le rappelle, ça m'a dérangée moi, mais ce n'est sans doute pas le cas de tout le monde).

Je passe sur le style qui ne m'a pas convenu durant 75% du livre. C'est beaucoup, je le sais, cependant, passer outre m'a permis d'aller au bout de la lecture, de ressentir certaines émotions, même si durant la première moitié du livre, je suis restée un peu hors du personnage. Je n'arrivais pas à enter dans Mila, à voir à travers ses yeux si naïfs et pourtant si réalistes. Peut-être que parce que comme Mila, je n'arrivais pas à y croire moi-même.

Je pense qu'au-delà du fait que c'est une fiction - en partie, puisque inspiré de faits réels - c'est un livre qu'il faut lire. Sauf si on a lu tellement de récits de guerre qu'on ne peut plus les ouvrir sans souffrir aussi. Ce récit est atypique, marqué au fer rouge parce que finalement peu abordé, des histoires qui n'intéressent pas tout le monde ou qu'on passe sous silence, comme pour Mila et toutes ces autres femmes que la grossesse accompagne dans ces camps. Et les camps, parlons-en. J'ai trouvé cet aspect fort bien appréhendé, amené, détaillé. Très prenant, très réaliste.

Et puis, pendant longtemps, je me suis dit que tout cela ne pouvait pas mal finir. Et pourtant, d'une certaine manière, ce n'est pas le retour que Mila attendait. Ce n'est pas la vie dont elle avait rêvé, ni même les réactions qu'elle était en droit d'attendre de la part des autres et cela est dur à encaisser. Tant pour les personnages que pour le lecteur. Au regard de tout ce que l'on peut lire dans la presse sur les récits de guerre, il n'est rien de pire que celui-là. On peut parler des morts tombés au combat, des sacrifices, des résistants, des nazis mais... on  ne parle pas des camps. On ne parle pas de la vie dans les camps. Pas assez. Le tabou est réel, surtout pour ceux qui y sont allés, plus pour les femmes encore, comme celles dans le cas de Mila, Katrien, Wera, Teresa et toutes les autres. Le silence est un réconfort empoisonné. 

Kinderzimmer, c'est l'histoire d'un secret, c'est l'histoire de la solitude au milieu de tous ces prisonniers. Ensemble, mais seuls.

D'ailleurs, je ne peux pas manquer de faire référence à quelques extraits. Morceaux choisis.


"Elle sait que c'est elle qui doit revenir au monde, leur monde, reprendre la vie où elle l'a laissée, où ils la lui ont laissée.

 "Elle sait qu'elle va porter Ravensbrück comme elle a porté son enfant : seule, et en secret."
 "Autour d'elle on voudrait oublier, on voudrait vivre."
"Un jour, il saurait son histoire, dispersée dans les yeux d'une foule de femmes, et il naîtrait une seconde fois."
 "Le jour du lilas [...] Et d'ailleurs regardez, cette branche de lilas blanc, oui, juste derrière vous jeune homme ; regardez-la, qui cogne tout doucement à la fenêtre."

Une note mitigée : j'ai un regret concernant le titre du roman. Celui-ci s'intitule Kinderzimmer. Pour moi, c'est paradoxal. Il n'y a pas que la Kinderzimmer. Elle ne tient qu'une partie du récit et c'est sans doute ce que j'ai regretté le plus. Avoir du attendre si longtemps pour découvrir cette horreur sans nom. Je comprends la mise en place nécessaire mais peut-être aurais-je moins eu envie de reposer le livre s'il avait été plus vite au coeur du sujet. Cela n'enlève bien entendu rien au faut que j'ai trouvé la description de la vie au Block particulièrement bien retranscrite mais c'est une remarque toute personnelle.

Pour terminer, je dirais que je ne suis pas certaine d'avoir aimé ou non ce récit. Il ne m'a pas laissé indifférente et je crois que c'est le but visé par l'auteure : susciter une réaction, quelle qu'elle soit. Parce que lire un tel récit ne peut laisser indifférent. Et je crois nécessaire de le lire pour ceux qui ne se sont pas plongés dans un récit aussi atypique que celui-ci. Nul doute qu'il s'agit là d'un livre coup de poing, prenant, émouvant. Mais je ne crois pas qu'on puisse aimer ce genre de livres au même titre que d'autres tant l'horreur du passé nous hante encore...

4 commentaires:

  1. Je crois que c’est le livre que je redoute le plus de lire, bien que je ne me fais guère d’illusions sur le fait qu’il doit exister des livres au moins aussi terribles, sans vouloir introduire une graduation dans l’horreur… J’espère avoir un jour ton courage...

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    1. Ce n'est pas tant du courage, c'est plutôt oser faire face à cette réalité mais je ne crois pas qu'on puisse parler de courage. :)

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  2. Jolie chronique !
    J'ai moi aussi trouvé cette lecture difficile. Et comme toi, je ne savais pas trop à la fin si j'avais aimé ou non.
    C'est malgré tout, un livre que je conseille.
    A bientôt :)

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    1. Merci pour ton passage ! :-)
      Oui, c'est tout à fait ça. Je le conseille aussi, même si je ne suis pas certaine de l'avoir aimé. Néanmoins, je pense que c'est un bon livre à lire pour découvrir l'envers de ce triste décor.
      A bientôt !

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